Savons maison : la saponification à froid

J’ai commencé à faire mes savons il y a 2 ans, mais l’idée trottait dans ma tête depuis bien plus longtemps. Ma grand mère m’avait souvent parlé de ses souvenirs de savons faits maison lorsqu’elle était petite, faits avec différentes huiles et graisses, puis parfumés à la lavande. Elle se souvient du grand moule en bois fabriqué par son père. Bref, le savon ne déroge pas à la règle : voilà encore une recette dont le secret ne date pas d’hier !

J’ai (à tord) mis longtemps à me lancer, parce que la manipulation de la soude caustique me faisait peur. Alors que franchement, maintenant que je l’ai fait plusieurs fois : il n’y a vraiment rien de sorcier !! Certes, il faut bien respecter les consignes de sécurité, porter des gants, porter des lunettes et un masque, ne pas laisser la soude à la portée d’enfants ou d’animaux. Autant en teinture, j’ai tendance à trainer les mains nues dans les cuves, mais en saponification : je ne m’aventurerais pas à oublier l’équipement complet. Cela dit, si vous êtes un peu bricolo : faire des savons ne me semble pas plus dangereux que manipuler une scie sauteuse !!!

La saponification : quésaco ?

Un tout petit peu de chimie pour commencer, juste histoire de comprendre le principe général

(rappel : je ne suis pas du tout une scientifique , n’hésitez pas à me reprendre gentiment si quelque chose est mal exprimé ou faux 😉 )

Le savon est issu de la réaction chimique entre un corps gras (beurre ou huile) et une base de soude
(hydroxyde de sodium) pour les savons solides, ou de potasse (hydroxyde de potassium) pour les savons liquides.

CORPS GRAS + SOUDE = SAVON + GLYCERINE*

Pas de place pour l’approximation en saponification !

Il est impératif de commencer par bien calculer précisément les quantités d’huiles/beurres/soude/eau dont vous aurez besoin pour faire vos savons. L’objectif est d’obtenir une réaction de saponification totale, afin qu’il il ne reste plus du tout de soude dans le savon !

On peut en revanche prévoir qu’il reste de l’huile/beurre non saponifiée à la fin. On parlera alors de savon “surgras”.

La quantité de soude à utiliser dans une recette de savon dépend de l‘indice de saponification de chaque huile. Pour faire simple et vulgariser : s’il y a trop de soude pour le type et la quantité d’huile utilisées, la réaction de saponification ne se fera pas complètement, et il restera de la soude à la fin. Le savon sera dit “caustique”, et ne pourra absolument pas être utilisé sur la peau (risque de brûlures/irritations ++ )

Si vous suivez une recette trouvée sur internet, assurez vous donc que vous utilisez exactement les mêmes huiles, dans les mêmes proportions, que sur la recette en question. Si vous changez d’huile ou changez la répartition des proportions de chaque huile : la quantité de soude caustique changera aussi !

Pour ma part, je repasse toujours par l’étape des calculs, histoire d’être sûre. (Sauf si vraiment je refais exactement les mêmes savons que la fois d’avant, avec les mêmes huiles et même quantités)

Sur internet, vous trouverez plein de matrices automatiques pour faire ces fameux calculs de quantité d’huiles & soude. J’utilise en général le calculateur de saponification du fournisseur d’ingrédients cosmétiques Aromazone.

NB : Le calculateur est basé sur les huiles qu’ils vendent sur leur site, mais j’achète mes huiles en vrac ou du moins en local (beaucoup trop de plastique chez Azomazone à mon goût…). Je pars du principe que l’indice de saponification d’une même huile végétale ne varie pas tant que ça d’un fournisseur à l’autre ! (hypothèse confirmée en essayant avec d’autres calculateurs ou en faisant le calcul à la main).

Pour obtenir un savon sugras (super bon pour la peau !) : on peut soit réduire la quantité de soude utilisée pour la réaction (% de surgraissage à prévoir dans le calcul), ou ajouter des huiles/beurres au moment de la trace (voir plus loin).

Je ne comprenais au début pas pourquoi on appelle ça la saponification à froid, alors qu’il faut faire chauffer les huiles… “hein ? je me suis trompée ?!”. Cette notion de “froid” semble en fait être relative aux températures auxquelles sont montées les huiles lors de la fabrication des savons “classiques”, par exemple le savon de Marseille (qui est cuit pendant 10 jours à 120°C).

Les huiles et beurres que j’ai testé en saponification

Celle que j’utilise le plus à la maison est la recette classique pour débutants : Huile d’olive, beurre de karité, huile de coco. Simple et efficace. Cette recette permet d’obtenir des savons très doux pour la peau et assez solides en même temps.

J’ai aussi tenté la réalisation de “savons de castille”, c’est à dire 100% huile d’olive. Ils sont très simples à réaliser, mais je suis moins fan de l’odeur et de la texture (ils sont moins “durs” que ceux avec coco & karité).

J’ajoute parfois une fragrance naturelle après la trace. J’ai aussi plusieurs fois séparé ma pâte à savon en 2 pour en colorer une partie avec un pigment naturel, puis j’ai réalisé un marbrage aléatoire en versant le savon dans le moule (comme pour un gâteau marbré !)

Je n’ai par contre encore jamais essayé l’ajout d’huiles/beurres/laits après la trace (voir plus loin). Est-ce par flemme ou par envie de simplicité ? sûrement un mélange des 2 😀

Juillet 2021 : Marbrage avec de l’oxyde bleu (pigment naturel minéral)

Faire ses savons : les 6 étapes de fabrication pas à pas

  1. Peser les huiles/beurres dans un bécher résistant à la chaleur (A)
  2. Peser l’eau nécessaire à votre recette dans un autre bécher résistant à la chaleur (B) et ajouter la quantité de soude calculée. ATTENTION : le mélange va immédiatement et naturellement fortement monter en température (j’atteins souvent 90/95°C en quelques secondes), c’est le pouvoir magique de la soude !
  3. Objectif : amener le contenu des béchers (A) et (B) à une même température, comprise entre 35 et 50°C. Pour cela : Chauffer le bécher huiles/beurres (A) au bain marie, et mettre le bécher soude (B) dans un bain d’eau froide pour le refroidir. Gardez en tête que moins on chauffe les beurres et huiles végétales, plus elles garderont leurs propriétés. (Ce serait dommage d’avoir acheté une super huile bio pressée à froid pour la chauffer d’un coup et lui faire perdre tous ses bienfaits !)
  4. Quand tout est à la même température, on sort le mixeur plongeant puis on verse la solution de soude du bécher (B) dans le bécher (A) (JAMAIS L’INVERSE !!). Faire couler la soude doucement sur la tête du mixeur (objectif : éviter les éclaboussures ou trop d’air) et mixer jusqu’à obtention de la fameuse “trace”. (attention : penser à faire des pause régulières pour éviter de griller le moteur du mixeur !!!)
La fameuse “trace” une fois la pâte à savon mixée

Je n’ai pas d’actions chez eux, et j’ai même plein de choses à redire sur leur démarche, mais je dois avouer qu’Aromazone a réalisé cette petite vidéo très simple et pédagogique pour celles et ceux qui auraient besoin d’images : (voir à 2min41 les images des différentes “traces”)

5. Couler la pâte à savon dans le/les moule(s). Puis les entourer d’un papier cuisson (ici on boycott le film étirable) + des linges de façon à isoler le moule au maximum. Le but est de favoriser la montée en température pour que la réaction de saponification se fasse bien.

6. Au bout de 24h à 48h, on peut “déballer” les savons (porter des gants car les savons sont toujours caustiques à ce stade), et les mettre à sécher sur une grille.

On couvre les savons pendant 48h. La pâte continue de monter en température.
Après 48h au chaud, découpe des savons (avec des gants !)

Laisser sécher 4 à 5 semaines pour que la réaction se fasse complètement. C’est prêt !

Notes à moi même : mes fiches recettes du moment

La recette que j’ai préféré jusqu’ici est : 20% karité, 30% coco, 50% olive. Avec un surgraissage total de 6%.
Recette pour 2kg (une fois coupés = 30 petits savons dans notre moule en bois fait maison) :

– 400g de beurre de karité
– 600g d’huile de coco
– 1kg d’huile d’olive (1 000g)

Sugraissage total 6% <=> 278,2g de soude caustique en poudre + 650g d’eau

Pas d’ajout à la trace autre qu’une càc de fragrance naturelle. Isolation dans du papier cuisson compostable + des couvertures pendant 48h avec des gants (c’est encore caustique !). Découpe et séchage 4 semaines sur une grille.

NB : avec ces quantités, il m’a fallu 30min pour faire descendre la solution de soude à 40° dans un bain marie d’eau froide.

La recette de savon de castille (un peu trop graisseuse => tester un surgraissage plus bas ?)

– 600g d’huile d’Olive
– Sugraissage total 8% <=> 74,5g de soude caustique + 195g d’eau

Savons karité-coco-olive marbrés (charbon actif & oxyde bleu)

Mes essais, remarques et questionnements pour la suite

Pour ne pas prendre de risque, je n’ai jamais fait de savon avec moins de 5% de surgraissage. Je limite ainsi le risque d’une saponification incomplète, en réduisant la quantité de soude.

Je n’ai encore jamais fait d’ajout d’huile, beurre, lait ou miel, à la trace car j’avais peur de ne pas avoir un savon assez dur. Mais il faut que je teste !

J’ai tenté une recette à partir d’un mélange expérimental/hasardeux de plein d’huiles cosmétiques que je n’avais jamais utilisées et qui trainaient des le placard (sésame, carthame, et autres que je n’ai pas pensé à noter…;) : échec total de texture ! dès qu’on humidifiait le savon, il devenait gélatineux/poisseux. Il remplissait son travail de laver, pas de problème là dessus. Mais c’était vraiment désagréable au toucher ! J’ai appris grâce à cette essai que tout l’art de faire des savons réside dans le choix des huiles et des beurres. Vous trouverez sur internet des conseils divers et variés sur les quantités et types d’huiles à utiliser pour des savons nourrissant mais pas cassants, ni trop gras ni trop secs..

Bref : être artisan savonnier, ça ne s’invente pas (CQFD), mais on peut faire des savons tout à fait acceptables soi même et avoir encore plus envie d’encourager et féliciter les petites marques de savons saponifiés à froid qui naissent un peu partout en France 😉

*Focus rapide sur la glycérine.

La glycérine se forme naturellement lors de la réaction de saponification. C’est l’agent émollient qui va permettre de garder notre peau hydratée. Un bon savon comporte donc naturellement de la glycérine ! Mais les industriels aiment bien l’extraire et la vendre pour d’autres utilisation (notamment en agro-alimentaire, car non seulement sa texture gluante est intéressante en formulation, mais la glycérine a, par le plus grand des hasards de la nature, un petit goût sucré très utile aux industriels…) Attention aux arnaques donc ! Si vous achetez encore du savon solide en + de ceux que vous ferez, vérifiez bien dans la liste d’ingrédients qu’il reste la glycérine 😉

La glycérine semble en revanche être l’ennemi des couches lavables (elle bouche apparemment la partie absorbante). Les jeunes parents écolo cherchent donc souvent du savon non glycériné pour cette utilisation.

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2 thoughts on “Savons maison : la saponification à froid

  1. Article super intéressant, merci pour le partage d’expérience! Ça donne envie de sauter le pas.
    Est-ce que vous avez des recommandations de livres (ou site) qui proposent des recettes avec différentes huiles, beurres etc, ou qui detaille le pourquoi derrière les proportions et ingrédients?
    Merci !

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