Voilà longtemps que je cherchais de nouvelles applications à mes pigments naturels. J’ai mis du temps à me lancer dans des recettes d’utilité “beaux arts”. Car si j’adore la partie chimie et colorée de ces fabrications, je dois admettre que les disciplines artistiques dessins/peintures ne m’attirent pas vraiment… (Chacun.e son truc, et j’ai de toutes façons déjà assez de lubies pour m’occuper environ 3 siècles !!)
J’ai récemment “sauté le pas” et commencé à parler autour de moi de cette envie de fabriquer des aquarelles, pour voir si elles pourraient trouver testeurs·euses et preneurs·euses. Un peu risqué car une fois que c’était dit, il fallait m’y mettre ! Mais vous savez-quoi ? C’est ma technique ultime pour m’auto-engager à faire un truc nouveau et challengeant : en parler à quelqu’un d’extérieur et compter sur l’effet “maintenant que c’est dit, il faut le faire” pour espérer m’y astreindre 😉
C’est comme ça que sont nés mes tests d’aquarelle. En voici la recette et le procédé de fabrication :
Ingrédients et matériel nécessaires :
- Du pigment naturel en poudre
- De la gomme arabique et un peu d’eau
- Un conservateur naturel, comme une huile essentielle aux propriétés anti fongiques (ex : camphre ou clou de girofle)
- En option : du miel et/ou de la glycérine végétale (voir étape 5 du procédé)
- Une plaque de verre ou de marbre (trouvable dans n’importe quelle recyclerie proche de chez vous)
- Un couteau de peintre, ou à défaut, une petite spatule flexible en métal.
- Une molette à broyer en verre (petit investissement, je dois l’avouer. Si vous ne testez cette recette qu’une fois, cherchez à un emprunter une à quelqu’un !)
Le procédé de fabrication en 6 étapes :
Etape 1 : fabriquer ou se procurer un pigment naturel, minéral, végétal ou organique
Les aquarelles que j’ai faites jusqu’ici étaient réalisés à partir des pigments suivant : Gaude (reseda luteola), Garance, Indigo, Grenade, Bois de Campeche, Cosmos. (rdv ici pour comprendre comme je fabrique ces pigments)
Les choix offerts par la nature sont sans fin, faites vous plaisir ! Mais comme en teinture naturelle, il s’agit de choisir des molécules colorantes qui résistent bien à la lumière. Même si vous ne comptez pas exposer dans un musée pendant 200 ans, ce serait bête que vos couleurs ternissent une fois vos belles affiches aquarelles affichées au mur du salon 🙂
(message subliminal totalement pas objectif : par pitié, oubliez le chou rouge et le curcuma, on a découvert les plantes grands teints au moyen âge ! ^^)
Etape préalable suuuuper importante (note à moi même) : il faut impérativement broyer le plus finement possible le pigment avant de passer à l’étape 2. Je me suis parfois contentée d’un pigment broyé au mortier : c’était une erreur ! Même si on broiera de nouveau l’aquarelle à l’étape 3, il faut que le pigment utilisé soit lui même déjà micronisé. Ce n’est donc pas une perte de temps que de passer du temps à broyer d’abord le pigment seul; sur une plaque en verre/en marbre à l’aide d’une mollette.
Etape 2 : préparer la gomme arabique pour en faire un liant
Je concentre mon liant à 30%, c’est à dire que je dissous environ 1/3 de gomme arabique en poudre dans 2/3 d’eau.
Je mélange bien avec un petit fouet pour chasser les grumeaux et je laisse la gomme gonfler dans l’eau pendant 1h au moins avant de l’utiliser. Idéalement : préparez ce liant à l’avance.
Cette gomme diluée se garde plusieurs mois au frigo dans un pot bien hermétique. Vous pouvez donc en fabriquer à l’avance sans problème.
Etape 3 : incorporer soigneusement le liant au pigment
Les proportions que j’utilise sont d’environ “1 pour 1“, c’est à dire une cuillère à café de gomme préparée à l’étape 2 pour 1 cuillère à café de pigment en poudre. En pratique, c’est un peu une histoire de feeling et d’habitude au visuel/au malaxage… commencez par moins de gomme arabique si vous voulez et ajoutez-en au fur et à mesure si besoin.
Mélangez le liant et le pigment sur votre plaque de verre ou de marbre à l’aide d’un couteau de peintre puis d’une molette à broyer en verre.
Minutie et patience seront vos meilleures alliées !
Comme je ne peins pas, j’avais tendance à sous estimer l’importance de cette étape. Mais tou·te·s les artistes avec qui j’en ai discuté sont formels : cette étape est clé pour avoir une aquarelle de bonne qualité, sans grumeaux et qui soit résistante.
Etape 4 : ajouter 1 ou 2 gouttes d’un conservateur naturel.
Les plus fréquemment utilisés semblent être les huiles essentielles (HE) aux propriétés antifongiques comme l’HE de camphre ou de clou de girofle. C’est cette dernière que j’utilise pour ma part. (odeur “souvenir de dentiste” garantie ^^)
Etape 5 en option : ajouter du miel et/ou de la glycérine végétale
la texture semble être clé pour rendre une aquarelle agréable à travailler.
Option 1 : On peut ajouter 1 goutte de glycérine végétale, le fameux agent humectant qui se forme lors de la fabrication des savons. La glycérine permet d’éviter que l’aquarelle ne craquelle ou ne sèche trop vite pendant son utilisation. Attention donc à ne pas trop en mettre, notamment si vous mettez vos aquarelles en godets (voir étape 6). Trop de glycérine empêchera la peinture de bien sécher (eau stagnante = paradis des bactéries).
Option 2 : On peut aussi ajouter un peu de miel naturel (de couleur pas trop foncée) pour améliorer la texture. Et pour une version végane : sirop de maïs. Vous comprendrez à ces explications hautement précises que je n’ai encore jamais testé l’ajout de miel ^^
Etape 6 : remplir des godets ou tubes d’aquarelles
Je ne suis pas du tout assez experte pour vous dire quelle version préférer… L’aquarelle sèchera dans les godets avant d’être humidifiée à chaque utilisation tandis qu’elle restera pâteuse/liquide dans les tubes hermétiques. Si des artistes passent par là, je veux bien votre avis sur la question 🙂
C’est fini ! On nettoie ses ustensiles, sa plaque, et on répète cette même opération pour chaque couleur.
Envie d’aller plus loin avec les pigments naturels ? Je vous expliquerai bientôt comment je fabrique des pastels secs 😉
