Teinture naturelle : les plantes à tanins

Les plantes riches en tanins (ou “tannins”, les 2 sont admis), sont particulièrement appréciées en teinture textile naturelle. D’abord parce qu’elles sont “substantives” (elles se fixent d’elles mêmes), ce qui donne des teintures très puissantes et stables. Mais aussi pour le champ des possibles qu’elles ouvrent grâce à la réaction chimique tanins + sulfate de fer  (j’y viendrai plus en détails plus bas).

Wikipédia me souffle que les tanins seraient la 4è famille de composés moléculaires par ordre d’abondance dans les plantes et écosystèmes terrestres. Autant dire que les plantes à tanins ne manquent pas autour de nous ! Ce sont les plantes particulièrement riches en tanins dont je vous parlerai ici.

Voici les “plantes à tanins” que j’ai déjà utilisé :

  • Noyer commun (brou de noix)
  • Châtaigner (écorce)
  • Noix de galle
  • Tara (poudre faites à partir des gousses)
  • Myrobolan (=Prunier-cerise)
  • Avocats (peaux)
  • Grenade (peaux)

Des couleurs “substantives”, idéales pour débuter !

Les tanins ont le pouvoir de se fixer naturellement sur les fibres naturelles (animales ou végétales), sans l’aide d’un sel métallique.

OUI MAIS ! La nature est riche et complexe : ces plantes riches en tanins ne contiennent pas “que” des tanins ! Elles renferment aussi d’autres familles de couleurs (flavonoïdes, antraquinones, alizarine…etc). Si vous mordancez votre tissu au préalable, vous obtiendrez non seulement une couleur tannique, mais libèrerez aussi une large palette de reflets colorés et obtiendrez une couleur beaucoup plus profonde.

Mordancer ou pas avant de teindre avec une plante à tanins ? A vous de décider en fonction de la teinte recherchée !

Teindre du tissu avec une plante à tanins : c’est parti !

Etape 0 : Peser votre tissu sec à teindre. Comme d’habitude en teinture, ce poids de tissu sec (en grammes) sera votre “base 100%” pour toutes les pesées suivantes.

Etape 1 : bien laver/décatir son tissu, comme je vous l’expliquais dans l’article sur le mordançage. Décidez ici si vous souhaitez, en plus, mordancer ou non votre tissu (comme expliqué plus haut : les 2 sont possibles).

Etape 2 : Réduire votre plante à tanins en poudre ou en tout petit morceaux. On prend généralement 100% du poids du tissu en matière colorante. (ex : pour un morceau de coton qui pèse 250g sec, prendre 250g de brou de noix).

Etape 3 : réaliser une décoction (=un thé) de la plante choisie, afin d’en extraire la couleur. Pour cela : Faire bouillir 1h environ dans une petite quantité d’eau (juste assez pour recouvrir la matière végétale en prévoyant un peu d’évaporation)

Etape 4 : Préparer le bain de teinture dans une casserole suffisamment grande pour que le tissu puisse bouger. Pour cela : filtrer l’extrait réalisé à l’étape 3 pour retirer toutes les matières organiques. Rallonger la quantité d’eau en fonction de la taille du tissu à teindre.

Etape 5 : Imbiber d’abord le tissu d’eau claire (on humidifie TOUJOURS le tissu avant de le plonger dans un bain, afin de permettre à la teinture de prendre uniformément). Puis plonger la fibre à teindre dans le bain de teinture. Faire chauffer et laisser tremper pendant 1h environ (à petit bouillon), en remuant régulièrement pour une teinture uniforme.

Si la plupart des plantes à tanins donnent des teintures dans les tons beige/brun/marron/gris certaines pourront vous surprendre ! Comme la peau d’avocat (qui donne un rose pâle), ou la peau de grenade qui donne un joli jaune.

[PARENTHESE AVOCATS] Si vous commencez à vous intéresser aux teintures végétales, vous n’avez pas pu passer à côté de la teinture la plus célèbre de l’instagramosphère : la teinture aux peaux d’avocats. Je ne nie pas l’effet “wouah” de ce joli rose pâle obtenu à partir de déchets végétaux noirs. Mais je nous invite tout de même à nous interroger sur l’impact environnemental de ce fruit… Teindre à l’avocat, en France, est-il cohérent avec notre démarche de teinture végétale ? Je n’en suis pas certaine…
Je trouve surtout dommage que tous les tutos débutants-avocats ne parlent pas plus du rôle des tanins, qui sont bel et bien LA raison pour laquelle la teinture à l’avocat est “facile” !

Tanins + Sulfate de fer, la magie des changements de couleurs !

Car c’est bien là l‘intérêt principal des plantes à tanins : la possibilités de les faire réagir avec du sulfate de fer, et d’obtenir de superbes teintes foncées.

Le suflate de fer, késako ? Le sulfate ferreux (ou FeSO4 pour les fans de TP de chimie) est le résultat d’une oxydation due à l’humidité de l’air, de la pyrite de fer ou de la marcassite, tous deux étant des minéraux composés de disulfure de fer. C’est le fameux sulfate utilisé en jardinerie pour garder les Hortensias bleues ! Pour ma part, je l’achète en poudre en droguerie. Mais j’a lu qu’on pouvait aussi laisser tremper des clous rouillés dans du vinaigre blanc pour faire son propre mélange…

La minute Histoire : “C’est une bonne situation ça, Scribe ?”

[Le saviez-vous ?] L’utilisation de la réaction tanin + fer ne date pas d’hier, et n’est pas réservée à une application textile ! C’est comme ça qu’était fabriquée la célèbre encre ferro-gallique. Elle fût l’encre la plus utilisée en Europe entre les 12è et 19è siècles, réalisée entre autres à partir d’un mélange de noix de galle et de fer.

Pour utiliser le sulfate de fer en teinture :

  • Préparer un contenant d’eau avec environ 5g de sulfate de fer par litre d’eau. (attention, ça sent fort la rouille et ça tâche fortement tout autours. Portez des gants !!!)
  • Imbibez d’eau votre tissu préalablement teint avec des tanins. (rappel : on humidifie toujours les fibres avant le bain. Réflexe à prendre en teinture !)
  • Plongez le tissu quelques minutes dans le bain de sulfate de fer : la magie opère ! Laissez plus ou moins longtemps en fonction de la teinte recherchée. Puis rincez abondamment.

Plus la plante est saturée en tanin, plus la couleur obtenue à partir de cette réaction sera foncée.

Gris, marron foncé ou noir, à vous de faire des essais !

Créer des motifs : La technique de l’éco-print

J’ai pas mal hésite à vous parler de cette technique, notamment parce que :

  1. je la maitrise très mal. Je n’ai essuyé que des échecs cuisant jusqu’ici (du moins esthétiquement parlant ^^)
  2. Si cette technique d’impression d’empreinte des plantes à tanins semble très populaire sur internet et dans les stages que j’ai effectué, je dois avouer que je ne l’affectionne pas particulièrement… Impossible de vous expliquer pourquoi, mais je ne suis pas sensible à l’esthétique de cette technique… Je trouve toujours les résultats brouillons et “tristes”. Bref, j’assume : je n’aime pas l’éco-print ! #çabalance

Ceci étant dit, je trouve intéressant de connaitre l’existence de l’éco-print, qui peut être sympa à pratiquer avec des enfants, par exemple.

L’éco-print pas à pas :

1)Ramasser des feuilles/fleurs de végétaux riches en tanins (des feuilles de chêne, de vigne ou de Sumac par exemple).

2) Frapper ces feuilles / fleurs entre 2 morceaux de tissu (ou 1 seul plié en 2), à l’aide d’un petit marteau ou un maillet. Le but est de faire pénétrer les tanins de la plante dans les fibres textiles.

3) Retirer les feuilles/fleurs du tissu (il ne reste qu’une empreinte qui est pour l’instant verte sur le tissu).

4) Plonger le tissu quelques secondes dans un bain de sulfate de fer (5g/litre environ, comme précisé plus haut).  Idéalement, réaliser cette étape à plat pour éviter que les tanins ne “bavent” ailleurs sur le tissu. (un grand plat à gâteau fera un parfait contenant pour l’éco-print). 

La magie opère : l’empreinte végétale qui était verte devient grise à noire au contact du fer !

5) Rincez abondamment. (idem : idéalement à plat pour éviter les traces/bavures de tanins)

6) Faire sécher.

TADAAAA : L’empreinte des feuilles/fleurs et devenue noir/grise !
=> le sulfate de fer a fixé les tanins dans les fibres.; Cette empreinte est ainsi solide, et ne partira pas au lavage !

Et pour finir, afin de dédramatiser et rassurer celles et ceux qui tenteront à la maison : voici les photos collectors de mes ignobles tentatives ratées ! (l’éco-print et mois, ça fait 2 ^^)

J’ai nommé ces œuvres : “je n’aime pas l’éco print, et il me le rend bien”
😂

Pour aller plus loin : mes idées et remarques sur les tanins en teinture…
  • Si vous “jouez” avec les plantes qui vous entourent, pour tenter de découvrir celles qui sont intéressantes en teinture. Vous découvrirez que nombreuses sont celles qui vous donneront des couleurs dans les tons de jaunes (du fait de la forte présente de molécules de la famille des “flavonoïdes” dans la nature.). Ces jaunes peuvent avoir l’air sympa à première vu, mais ne sont pas toujours des plus solides après séchage… => Pour “fixer” ces teintures, plongez les dans un bain au sulfate de fer pour les faires virer sur un vert/kaki plus solide et stable dans le temps.
  • Les tanins sont des molécules puissantes, et peuvent prendre le dessus malencontreusement lors de certaines teintures. C’est le cas par exemple avec la Garance, la star du rouge éclatant. Si la Garance est chauffée à plus de 80°C, elle libère ses tanins, et le belle teinture rouge espérée devient marron… prudence avec les tanins donc !
  • Si vous avez lu mon article sur l’indigo, vous savez que cette couleur est un monde à part. Le sulfate de fer n’a en ce sens aucun effet sur l’indigo, puisqu’il ne contient pas de tanin.
  • Je l’ai déjà dit plus haut, mais prudence prudence prudence lorsque vous manipulez le sulfate de fer. Il tâche la peau (en s’agrippant au tanin qui pourrait vous rester sous les ongles), mais aussi toute autre réalisation végétale qui contiendrait des tanins et trainerait par là… Eloignez bien vos œuvres tanniques lorsque vous manipulez le sulfate de fer !
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